quarta-feira, 11 de março de 2009

Villa-Lobos, le génie tropical

LE MONDE 22.12.08


Le cinquantenaire de la mort du Brésilien Heitor Villa-Lobos (1887-1959) approche, et l'on espère que la France songera à fêter celui dont la musique est l'une des plus singulières, personnelles et inventives du XXe siècle.
Le plus grand des compositeurs brésiliens est rarement joué dans l'hexagone bien qu'il a écrit le corpus principal de ses chefs-d'oeuvre à Paris, où il s'est installé de 1923 à 1930 et devait, durant le reste de son existence, passer, chaque année ou presque, quelques mois à l'Hôtel Bedford, où il avait une suite à demeure.
Prolixe, bon vivant, amateur de havanes (il n'est guère de portrait de lui où il n'ait pas le cigare à la bouche), Villa-Lobos répondait rapidement à toute commande. Que ce fût un Concerto pour harmonica, une comédie musicale (Magdalena, 1958, sorte de version géniale du Chanteur de Mexico de 1951 de Francis Lopez !), une musique de film (pour les très cinémascopiques Green Mansions de Mel Ferrer, 1959), ou une messe écrite à la manière des compositeurs de la Renaissance... Sait-on qu'il a écrit, en partie à Paris également, Yerma (1955-1956), un opéra sur un livret adapté de la pièce de Federico Garcia Lorca ?
La série des Choros (1920-1929) précède celle, sans doute plus connue, des Bachianas Brasileiras (1930-1945). Si ces dernières sont des oeuvres plus simples d'accès (dont la fameuse cinquième du groupe, pour soprano et violoncelles), les Choros ont une abstraction cependant très lyrique et témoignent d'une imagination aussi vive dans les formules de musique de chambre que dans celles pour les vastes forces symphoniques et chorales.
Car si Villa-Lobos est un architecte des sons comparable au Nordique Jean Sibelius (1865-1957), dont il est le jumeau amazonien (par le sens de l'espace sonore et des modules rythmiques répétés), il exprime souvent une sentimentalité qui le sert ou le dessert, selon le point de vue où l'on se place.
MUSIQUE ENVOÛTANTE
Mais les "marches harmoniques" (répétition graduée d'une même formule harmonique) qu'aimait tant Villa-Lobos, qu'on trouve, employées ad nauseam dans la chanson populaire, étaient aussi une constante dans la sublime musique de Schumann...
Le Choros n° 3 et, plus encore, le 10e, pour choeur et orchestre, jouent une carte "barbare" et "primitiviste" extraordinaire, même si l'on sent que Le Sacre du printemps de Stravinsky a imprimé sa marque sur cette musique presque envoûtante par son aspect sorcier et rituel...
La musique de Villa-Lobos respire large (le Choros n° 12, vaste périple de près de quarante minutes), voit loin, surtout jouée avec l'excellence tonique de l'Orchestre symphonique de Sao Paulo et John Neschling, infatigable défenseur de la musique flamboyante et tropicale de son compatriote.
Choros nos 2,3, 10 et 12. Orchestre symphonique de Sao Paulo, John Neschling (direction) : 1 CD Bis/Codaex.

Renaud Machart

Article paru dans l'édition du 23.12.08.

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